aspects de l'accentuation et de l'intonation de l'anglais oral
spontané
Introduction
« Une linguistique de loral nest certainement pas suffisante pour comprendre
lécriture et réciproquement. »
[Auroux, Sylvain, Jacques Deschamps, & Djamel Kouloughli La philosophie du langage.
Paris : PUF. 1996. p.57.]
Si,
daprès laxiome énoncé par S. Auroux, une linguistique de loral
nest pas suffisante pour comprendre lécrit, elle peut néanmoins
léclairer. Paradoxalement, cest souvent la réciproque que les théoriciens
de lintonation essaient dappliquer pour rendre compte de la langue orale. En
réduisant loral à un écrit boiteux, ils se ferment laccès à une partie de
la linguistique. La linguistique a pour objet le langage sous toutes ses formes une
de ses manifestations, et non des moindres, étant la langue orale. De même quils
se sont donné les moyens détudier la langue écrite (littéraire, journalistique),
de même les linguistes doivent-ils continuer à élargir le champ de leur discipline. La
création dune linguistique de loral digne dintérêt pour les
linguistes de lécrit nest réalisable quà deux conditions. Non
seulement les linguistes de loral doivent mettre à lépreuve les modèles
danalyse mis au point pour lécrit pour se garder de les appliquer tels quels
à loral, mais ils doivent formuler des hypothèses neuves sur le langage en
général et fournir de modèles dexplication. La langue orale a ses propres
problématiques, dont lintonation et la syntaxe sont le reflet.
La plupart des recherches effectuées en
linguistique anglaise en France se fondent sur lanalyse de corpus dénoncés
écrits, souvent tirés duvres littéraires. Cest cette voie que nous
avons suivie lors de nos premiers travaux, dont le cadre était celui de la théorie de
lénonciation formulée par A. Culioli. Notre objet est de poursuivre cette
démarche en létendant à des corpus danglais oral spontané, en
sinspirant du travail de L. Danon-Boileau et M.-A. Morel sur le français
oral. Dans quelle mesure le modèle proposé pour le français oral convient-il à
langlais ?
Dans le
cadre de ce DEA, on restreindra le domaine de recherche à un problème spécifique. Il
sagit de tenter déclairer en profondeur un aspect essentiel de
lintonation de la langue anglaise. On sattachera à étudier laccent de
mot et laccent de phrase. Quelle réalité ces termes recouvrent-ils ? En quoi
sont-ils essentiels ? Comment influent-ils sur la syntaxe de loral ? Cest à
ces questions que nous allons tenter dapporter une réponse.
Le travail
sur lintonation pose dimportants problèmes de méthodologie. Il sagit
dabord pour le linguiste de résoudre des questions techniques auxquelles sa
formation ne la pas préparé. Il doit en effet se familiariser avec la définition
des paramètres suprasegmentaux afin de recueillir un corpus utilisable et de se servir au
mieux des outils danalyse prosodique. Nous utilisons le logiciel WinPitch, qui
permet dobtenir des tracés intonatifs par ordinateur. Le linguiste doit se
garder dinterpréter les courbes ainsi obtenues de façon hâtive. Quels sont les
éléments significatifs pour notre étude ? Quels éléments faut-il écarter ?
Lintonation de langlais a en
outre fait lobjet de nombreuses études. Un rapide exposé des différents modèles
de représentation et dinterprétation de ses phénomènes nous permettra
dexpliquer pourquoi nous avons choisi le cadre théorique proposé par M.-A. Morel
et L. Danon-Boileau pour le français. Lun des objectifs de ce DEA est de
déterminer dans quelle mesure les théories avancées par ces deux auteurs sur le
français sont applicables à langlais.
Notre analyse de langlais se fera
à partir dun corpus doral spontané standard représentatif de la
received pronunciation. La présentation de ce corpus nous permettra den
définir les spécificités, mais également de montrer en quoi il est représentatif de
langlais tel quil est parlé aujourdhui dans le sud de
lAngleterre. Il faudra encore déterminer dans quelle mesure ce corpus pourra être
révélateur de fonctionnements propres à langlais oral en général.
Une fois
posées les bases méthodologiques de notre étude, il sagira de faire une mise au
point terminologique dans le domaine particulier de laccent de mot et de
laccent de phrase. On confrontera dune part le discours pédagogique au
discours scientifique dont il sinspire, et dautre part les théories des
différents représentants du discours scientifique.
La langue anglaise offre deux mots pour
ce que le français comprend sous le terme daccent. Stress et accent
recouvrent cependant deux réalités différentes. Les différents termes utilisés par
les théoriciens désignent-ils malgré tout une seule et même réalité ? Quen
est-il dun même terme utilisé par deux auteurs ?
On en viendra à se poser la question
suivante : que faut-il entendre réellement par accent de mot et accent de phrase au plan
théorique ? Pourquoi une telle impression dincohérence terminologique à la
lecture du discours scientifique ? La description des différents niveaux danalyse
permettant dexpliquer les phénomènes daccentuation et dintonation nous
apportera des réponses. On verra plus précisément en quoi le découpage du matériau
oral est problématique et en quoi il impose dopérer une distinction entre
accentuation et intonation.
Dans une
troisième partie, on essaiera de démêler la question des paramètres suprasegmentaux
mis en jeu dans la production et la perception de laccent de mot et de laccent
de phrase. Les diverses théories ne concordant pas, on proposera une réponse la plus
claire possible toutes les fois que nos corpus nous permettront de trancher.
Laccent de mot et laccent de
phrase sont des notions centrales en anglais. Toute grammaire de lintonation
anglaise doit donc en tenir compte. On déterminera dans quelle mesure la valeur des
indices suprasegmentaux définie pour le français par M.-A. Morel et L. Danon-Boileau
doit être infléchie pour décrire langlais. En particulier, on proposera des
hypothèses sur lorganisation du discours oral en anglais. En quoi diffère-t-elle
de lorganisation du français oral ? Quelle est lincidence des particularités
phonologiques propres à langlais (et en particulier des particularités induites
par laccent de mot et laccent de phrase) ?
En dernier
lieu, on procédera à une analyse fonctionnelle de laccent de mot et de
laccent de phrase. On verra notamment que les fonctions de laccent de phrase
recouvrent de nombreuses fonctions de lintonation de langlais dans son
ensemble. La fonction grammaticale nous occupera dabord. On verra ensuite dans
quelle mesure la fonction attitudinale que de nombreux auteurs assignent à
lintonation offre une grille de lecture suffisante pour linterprétation des
variations intonatives. On préférera parler en termes de relations intersubjectives dans
le cadre de la théorie de lénonciation. En dernier lieu, on abordera la fonction
discursive de lintonation et son rôle dans lorganisation du discours. A
travers des exemples divers, on essaiera de montrer dans quelle mesure une analyse
suprasegmentale permet déclairer des phénomènes énonciatifs mais aussi
syntaxiques.